dimanche 29 janvier 2012

Lettre Ouverte à Moncef Marzouki, Président de la République Tunisienne

Monsieur le Président,

D’abord, je voudrais me présenter, je m’appelle Kais et je suis un citoyen tunisien né en Décembre 2010 âgé de 37 ans. Je ne suis pas chômeur, ni pauvre, j’habite dans quartier résidentiel de la Marsa et je n’ai pas à me plaindre, Al Hamdou Lelleh.

Bien avant le 17 Décembre 2010 et dès l’annonce de la candidature de ZABA pour 2014, je suis devenu révolutionnaire et incapable d’accepter que Ben Ali reste encore au moins jusqu’en 2019, je me suis mis à rêver de voir le système tomber. Le 17 Décembre pour moi a été une aubaine et comme des milliers de tunisiens, je me suis jeté sur l’occasion et j’ai tout de suite pris le pari que nous chasserons ZABA du pouvoir. J’ai été l’un des premiers à appeler à la grève générale, j’ai écrit une lettre ouverte à Ben Ali lui demandant de partir dès le 06 Janvier 2011 et j’ai envoyé un mail à tous mes clients pour leur dire que je rentrais en grève en les implorant d’en faire autant, pour moi, comme pour tous mes semblables, Ben Ali était déjà fini et plus rien ne pouvait plus nous faire reculer.

Monsieur le président, le 17 Décembre a bien été le départ d’une vraie révolution et pas d’une simple révolte, elle n’a pas concerné uniquement les pauvres et les démunis, mais tous les tunisiens y ont participé à l’exception des RCDistes et des incrédules qui dès le départ n’y ont pas cru et qui continuent jusqu’à maintenant à chercher toutes sortes de justifications comme la fameuse manipulation américaine ou je ne sais quoi d’autre.

Monsieur le président, nous avons fait la révolution parce que nous en avions marre de l’injustice, de l’impunité, de la corruption, de la mauvaise gestion, des abus de pouvoirs…. Mais nous avons surtout fait la révolution, parce que nous en avions marre de ne pas exister par notre citoyenneté et par notre contribution active et réelle dans la vie politique, sociale, culturelle et économique de notre pays, nous voulions pouvoir nous exprimer, donner notre avis et apporter des changements.

Quand nous avons décidé de nous insurger contre Ben Ali, nous ne savions pas qu’il allait partir le 14 Janvier et même en nous rendant à l’Avenue HB, ce fameux vendredi matin, nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer l’après-midi même, nous nous sommes préparés à une lutte de longue haleine et nous étions prêts à lutter jusqu’au bout, plus rien ne pouvait plus nous arrêter, et même si ZABA avait massacré des milliers d’entre nous comme il l’avait dit à Mohamed Ghannouchi, on aurait fini quand même par le jeter dehors.

Pour nous Moncef Marzouki n’était pas connu, pour les plus politisés d’entre nous, vous étiez un opposant marginal et personne ici ne vous prenait au sérieux, en tous les cas vous n’avez jamais été notre leader, ni personne d’autre d’ailleurs. Après le 14 Janvier et après la trahison de tous les partis de l’opposition qui ont félicité Ben Ali pour son discours du 13 janvier, puis se sont empressés d’intégrer le gouvernement RCDiste de Ghannouchi, nous étions totalement perdus et n’avions aucune idée de qui pourrait présider la Tunisie.

Ni vous, ni Tarek Makki, ni aucun homme politique ne nous semblait capable d’assumer cette fonction, la constitution prévoyait des élections présidentielles dans 60 jours et nous n’avions aucune idée de qui nous voulions comme président de la Tunisie ce qui nous promettait à un retour inévitable vers la dictature.

Après El Kasba 1 et El Kasba 2, nous avons pu nous débarrasser du RCD et obtenir l’assemblée constituante ce qui était la plus grande réalisation de la révolution à mon avis, puis les partis politiques ont commencé à se créer et à s’activer sur le terrain et les différents discours à s’affiner.

Nos leaders d’opinion et j’ai l’honneur d’en faire partie, ont observé très attentivement tous ces partis politiques à la loupe pendant des mois, ils ont regardé chaque image, écouté chaque mot et observé chaque geste de tous ces hommes politiques qui prétendaient pouvoir diriger la Tunisie.

Pour ma part, j’ai été très tôt séduit par le discours et la philosophie du CPR. Avant le 14 Janvier, j’avais beaucoup d’admiration et d’estime pour Abderraouf Ayedi, Mohamed Abbou et tous ceux, qui comme nous, n’ont pas hésité à défier Ben Ali ouvertement, à l’époque nous ne savions pas qu’ils étaient CPR, en tous les cas peu d’entre nous le savaient, puis quand nous nous sommes aperçus que ces hommes qui ont partagé notre combat et risqué leurs vies appartenaient à ce parti, nous avons pris la décision d’intégrer ses rangs

Monsieur le Président, nous avons été des milliers de vrais révolutionnaires à avoir voté CPR et chacun d’entre nous a convaincu des dizaines d’autres d’en faire de même. Vous nous avez promis de combattre la corruption, de faire en sorte que justice soit faite, de couper avec le passé et de punir les tortionnaires et spoliateurs du peuple tunisien et nous vous avons cru tout en croyant en votre sincérité et en votre intégrité.

Monsieur le président, la révolution a des exigences et nous, révolutionnaires et peuple tunisien, vous avons confié la lourde responsabilité qui consiste à satisfaire ces exigences. Je ne parle pas de la Troïka, je ne parle pas de Nahdha, je parle uniquement du CPR, car pour moi, c’est le parti de la révolution par excellence et donc la responsabilité de la protéger (la révolution) lui revient entièrement.

Personnellement, j’ai déjà été déçu à trois reprises, à vrai dire je me suis senti humilié :

La première fois a été à l’occasion de la négociation du document régissant l’Organisation Provisoire des Pouvoirs.

La deuxième fois a été quand notre groupe parlementaire a voté contre le référendum et contre vous-mêmes.

La troisième fois a été quand nous avons voté pour le cumul des fonctions, qui est une honte dont je n’en reviens pas encore et qui est inacceptable pour tout le monde, c’est l’exemple même du parlement qui prend des décisions contraires à la volonté du peuple.

Depuis plus d’un mois maintenant, le gouvernement a pris ses fonctions et nous assistons à un statuquo très inquiétant, pire encore, non seulement nous avons l’impression qu’aucun des dossiers épineux et importants du moment ne va être ouvert, mais aussi que Nahdha a accordé l’immunité totale à tous ceux qui ont spolié le peuple tunisien. Au bout d’un mois, l’appareil de l’état est dirigé par les mêmes personnes qui ont été fidèles à Ben Ali et rien ne prouve que le gouvernement ait commencé la moindre enquête ou le moindre audit dans les entreprises publiques et administrations.

Monsieur le Président, nous sommes conscients que vos prérogatives ne vous permettent pas d’engager à vous seuls les réformes et actions qui s’imposent et nous sommes également conscients que nous devons accorder plus de temps à ce gouvernement avant de le juger, mais rien ne nous empêche de constater que 30 jours après nous n’avons réalisé aucune avancée majeure.

Monsieur le Président, nous vous demandons de ne jamais perdre de vue les objectifs de la révolution et de ne jamais laisser personne vous convaincre que le peuple pardonnera à celui qui n’honorera pas son engagement auprès de lui. Le CPR a promis de protéger les intérêts du peuple avant tout, en votant pour le cumul des fonctions, il a trahi sa promesse, en votant contre le référendum il a encore une fois trahi sa promesse, je suis conscient qu’une alliance ne peut pas tenir sans concessions, je suis également conscient que sans la Troïka ce gouvernement n’aurait plus aucune légitimité ce qui entrainerait le pays dans le chaos, d’où la nécessité que la Troïka soit solide et tienne le coup pour le bien de tous, par contre, les concessions que le CPR devra faire pour que la Torïka ne s’effondre pas, ne doivent à aucun moment le conduire à trahir le peuple et à travailler contre ses intérêts.

Monsieur le Président, nous avons confiance en vous et sommes certains que nous pouvons compter sur votre loyauté la plus complète à notre révolution et en contrepartie, soyez en sûr, vous pouvez compter de notre part sur une loyauté sans faille. Le CPR, malgré qu’il n’ait qu’un nombre très limité de sièges à la constituante, peut se permettre de négocier avec Nahdha d’égal à égal et d’imposer ses idées et ses opinions, car sans nous Nahdha qui est déjà assez vulnérable le deviendra encore plus et ils ne prendront pas ce risque. Vous, en tant que président vous avez un pouvoir moral énorme et le mouvement Nahdha ne peut pas se permettre de vous avoir contre lui car ça le rendrait encore plus faible.

Monsieur le président

Pour finir cette lettre et en espérant que je n’ai pas été trop long, je vous prierais de vous rappeler que nous sommes des révolutionnaires véritables qui avons tout fait pour débarrasser le pays de la dictature et que la mission que nous vous avons confiés est pour nous du domaine du sacré et que l’échec n’est ni envisageable ni pardonnable, nous comptons sur vous pour vous opposer fermement à toute décision qui pourrait aller à l’encontre des intérêts du peuple et nous nous attendons à ce que vous mettiez une pression suffisante sur le gouvernement pour qu’il réalise les objectifs de la révolution, dans le cas où vous vous rendez compte que Nahdha a effectivement passé un accord avec les caciques du régime Ben Ali en leur accordant l’immunité et en continuant à protéger leurs intérêts, alors je vous prierais de tout mon cœur de ne pas vous laisser entrainer dans cette trahison historique et de les dénoncer tout de suite au peuple afin qu’il puisse protéger sa révolution par lui-même et redistribuer les cartes de nouveau avant qu’il ne soit trop tard.

Veuillez croire, Monsieur Le Président, en mes respects les plus sincères et ma confiance la plus totale

Kais KAROUI

Citoyen tunisien



Lettre ouverte à Ben Ali le 06 Janvier 2011

Monsieur Le Président,
Le peuple Tunisien a voté contre vous et a utilisé son sang pour signer les bulletins de vote. Le peuple Tunisien vous a signalé son mécontentement et vous demande de démissionner. Il est inutile de vous agripper d'avantage à votre fauteuil et de prolonger cette souffrance qui devient insoutenable, vous avez perdu votre légitimité, vous avez été humilié et hué par tout un peuple et nous vous demandons de vous rendre à la justice pour payer votre du à la société.
Tous les jours des citoyens Tunisiens meurent et tous les jours vous aggravez votre cas. Vous avez menti, vous avez trahi votre pays et vous avez échoué dans l'exercice de vos fonctions. Il est trop tard, aucune réconciliation n'est plus possible entre nous, vous pouvez utiliser la force, la terreur et toutes les techniques d'intimidation que vous avez appris à l'école des terroristes, ça n'y changera rien. Nous avons tout perdu, vous avez bafoué notre honneur, vous avez insulté notre intelligence, vous vous êtes approprié nos biens et maintenant vous torturez et tuez nos sœurs, frères, mères et sœurs, nous ne voulons donc plus de vous et nous vous demandons de vous livrer à la justice.
La peur que vous avez semé dans nos cœurs est partie et chaque jour qui passe voit notre haine envers vous croître et durcir. Vous nous avez tout pris, nous n'avons plus rien à perdre et nous sommes décidés à vous chasser de notre pays et de nos esprits. Vous vous êtes alliés à des individus maléfiques, impitoyables et insatiables, vous êtes leur complice et vos mains ont été définitivement salies par le sang des nôtres, nous ne vous le pardonnerons jamais.
Quel homme êtes-vous ? Etes-vous humain ? Vous reste t-il ne serait-ce qu’une once de fierté et de dignité ? Combien de personnes allez-vous encore tuer ? Combien de familles allez-vous encore affamer et surtout comment comptez-vous vous présenter devant notre créateur le jour du jugement dernier ? Partez et laissez nous en paix, vous ne nous servez plus à rien, nous ne voulons plus de vous et si vous ne le faites pas de votre propre gré, alors nous vous y forcerons, chacun d’entre nous est devenu un guerrier, nous nous battons pour notre honneur, notre liberté et nos familles et plus rien ne nous arrêtera.
Plus il y aura de victimes, avant votre inéluctable fin, plus elle sera pénible et humiliante, alors épargnez nous les effusions de sang inutiles parce que les jeux sont faits et vous avez déjà perdu, même si vous semblez l’ignorer.
Remballez vos armes, vos policiers et vos chiens de garde avant qu’ils ne se retournent contre vous, car ça arrivera indubitablement et le jour ou ça arrivera vous connaîtrez une fin atroce dont l’histoire s’en souviendra pour toujours. Vous avez fait trop de mal, Monsieur le président, vous semblez être devenu aveugle, sourd et muet et tel un animal blessé vous vous débattez dans le vide avant de rendre l’âme.
Vous avez eu une chance inespérée, de vous illustrer et d’apparaître dans les livres d’histoires comme un grand homme, malheureusement, c’est le contraire qui s’est passé et les générations prochaines de la Tunisie se souviendront de vous comme le pire des dictateurs sanguinaires et tortionnaires de l’histoire de la Tunisie.
Rendez-vous Monsieur le Président et épargnez nous les souffrances inutiles, montrez nous qu’il vous reste encore un brin de fierté et de bravoure, arrêtez ce bain de sang et pensez à votre ultime demeure, repentez-vous et demandez à dieu de vous pardonner, vous avez perdu ici bas, sur terre, alors essayez de sauver votre âme, s’il n’est pas déjà trop tard.